17 septembre 2006

Les Editions complexe ouvrent un grand débat sur le "devoir de mémoire". Voici un extrait des réflexions de l'historien René Rémond.


De tout temps les sociétés ont utilisé h i s t o i re à des fins collectives : inculquer le sentiment d’app a rtenance à une communauté politique, honorer la mémoire de ses fondateurs, célébrer la grandeur du groupe, c o n s t ru i re l’identité nationale. Si de nos jours l’histoire est, dans nos pays , affranchie de cette instrumentalisation, il n’en va pas ainsi dans les jeunes États qui sont encore en recherche de leur personnalité. J

L’affirm ation aujourd’hui en France d’un devoir de mémoire est entendue de façon tout à fait différente et prend un tout autre sens. On attend de l’accomplissement de ce devoir qu’il répare les injustices de la mémoire : au motif que l’histoire a trop souvent été écrite par les vainqueurs ou les détenteurs du pouvoir, on accordera une attention particulière aux oubliés de l’histoire, on fera un sort aux minorités.

Mais l’exigence de mémoire aujourd’hui est plus encore une invitation pressante à reconnaître ses fautes et à avouer ses crimes. Ces préoccupations sont certes légitimes et l’expression d’un souci moral de plus en plus fort. Elles n’en aboutissent pas moins à instrumentaliser l’histoire, à l’assujettir à des fins qui lui sont étrangères, à la confisquer au service de causes qui la détournent de son objet propre. Qu’on m’entende bien ! Je ne conteste pas que l’historien ait des devoirs à l’égard de la société : il a notamment celui de mettre à la disposition de tous le savoir qu’il a acquis et sa connaissance du passé : ni l’un ni l’autre ne trouvent leur seule justification dansles satisfactions d’un travail intellectuel. C’est la raison pour laquelle, sollicité à plusieurs occasions de participer à l’établissement de la vérité sur des sujets controversés
ou de contribuer à l’oeuvre de justice, je n’ai jamais hésité à répondre positivement.

Le devoir de l’historien
Mais il importe de réaffirmer que le devoir primordial de l’historien est à l’égard de la vérité plus que de la justice.

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