Nous présentons ici une interview avec François Lafargue, auteur de l'ouvrage "Demain la Guerre du feu, Etats-Unis et Chine à la conquête de l'énergie", paru chez ellipses en mai 2006.
Un livre à lire : Présentez nous un peu cette guerre de l’énergie…
François Lafargue : Je pense que nous ne sommes pas assez conscient qu’une bataille pétrolière mondiale se joue aujourd’hui entre les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.
Les USA sont les premiers importateurs et les premiers consommateurs mondiaux de pétrole, ils brûlent près de 40 % de l’essence mondiale. En face, l’appétit de la Chine semble insatiable, 4ème puissance économique aujourd’hui, première vers 2030…Enfin il y’a l’Inde, dont on parle peu en France mais qui à la charnière de ce siècle sera probablement parmi les cinq premières puissances mondiales. De la Cordillère des Andes au Golfe de Guinée, de la mer d’Andaman aux rives de la Caspienne, les Etats-Unis et la Chine se livrent à une véritable guerre énergétique.
Un livre à lire
FL : Oui, le terme n’est pas excessif. Pour le moment à coup de dollars, de promesses, de soutiens politiques et d’investissements, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde se disputent les mêmes régions pétrolifères, Asie centrale, Golfe de Guinée et désormais l’Amérique latine.
L’imbrication économique entre ces trois acteurs rend, espérons le, peu plausible une confrontation militaire directe. Comme pendant la guerre froide, les affrontements seront à la périphérie. Déjà en Afrique comme au Soudan ou au Tchad, derrière les mouvements rebelles, on devine la main de Pékin.
Un livre à lire : Mais qui va gagner la guerre ?
FL : Ou bien je dirais qui va la perdre ?
Je ne suis pas persuadé que la hausse du prix des hydrocarbures soit bénéfique pour les pays africains. La rente pétrolière n’est guère partagée, la course au pétrole entraîne une corruption endémique et ravive les contentieux frontaliers.
Sur un plan purement stratégique, la marginalisation de l’Europe est à déplorer. L’Union européenne se repose pour son approvisionnement en hydrocarbures sur la Norvège et surtout la Russie. Ce qui n’est pas une situation saine.
Un livre à lire
FL : La compétition pétrolière en Afrique entre les pays asiatique et les Etats-Unis frappe par ricochet l’Union européenne. Les exigences des pays africains enflent (montant des redevances pétrolières, obligation de construire des infrastructures, appui politique…). Pour ne pas compromettre sa sécurité énergétique, l’Union européenne doit entreprendre une action diplomatique et économique afin de maintenir son influence en Afrique et ne pas se laisser progressivement marginaliser. Bien heureusement, les Européens ne peuvent pas comme Pékin envoyer des ouvriers au salaire de misère, travailler sur les chantiers en Afrique, pour s’attirer la faveur des pays producteurs de pétrole. Mais malheureusement contrairement aux Etats-Unis, par manque de volonté et de coordination, l’Europe ne parvient pas toujours à recueillir les dividendes politiques et pétroliers de son aide économique.
Un livre à lire : Vous terminez votre livre en affirmant que « les Etats-Unis contre la Chine semblent livrer leur dernier combat ». Ce n’est pas un peu pessimiste ?
FL : Je crois que la « roue tourne ». Il y’a encore beaucoup de méconnaissance ou de préjugés concernant l’Asie. Pour la plupart de nos concitoyens, l’Inde se résume aux lépreux et aux Fakirs. Le décollage de ces deux géants est une chance immense, il ouvre des perspectives pour nos entreprises et pour une jeunesse courageuse. C’est aussi, c’est vrai un immense défi, plein d’inquiétudes.
François Lafargue est docteur en Géopolitique, auteur d’une thèse portant sur l’Afrique du Sud. Il est également docteur en Science politique avec comme thème de recherche la stratégie des Etats-Unis devant la vulnérabilité énergétique de la Chine. Ses travaux portent principalement sur les enjeux énergétiques en Asie et en Afrique et les relations sino-africaines. Il publie régulièrement des articles dans la presse nationale (Les Echos, Libération, La Tribune…) et dans des revues académiques (Défense nationale, Afrique contemporaine, China Perspectives...). Il est professeur de géopolitique à l’Ecole supérieure de Gestion. Il anime également le séminaire « Géopolitique » à l’Ecole Centrale de Paris.
François Lafargue : Je pense que nous ne sommes pas assez conscient qu’une bataille pétrolière mondiale se joue aujourd’hui entre les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.
Les USA sont les premiers importateurs et les premiers consommateurs mondiaux de pétrole, ils brûlent près de 40 % de l’essence mondiale. En face, l’appétit de la Chine semble insatiable, 4ème puissance économique aujourd’hui, première vers 2030…Enfin il y’a l’Inde, dont on parle peu en France mais qui à la charnière de ce siècle sera probablement parmi les cinq premières puissances mondiales. De la Cordillère des Andes au Golfe de Guinée, de la mer d’Andaman aux rives de la Caspienne, les Etats-Unis et la Chine se livrent à une véritable guerre énergétique.
Un livre à lire
FL : Oui, le terme n’est pas excessif. Pour le moment à coup de dollars, de promesses, de soutiens politiques et d’investissements, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde se disputent les mêmes régions pétrolifères, Asie centrale, Golfe de Guinée et désormais l’Amérique latine.
L’imbrication économique entre ces trois acteurs rend, espérons le, peu plausible une confrontation militaire directe. Comme pendant la guerre froide, les affrontements seront à la périphérie. Déjà en Afrique comme au Soudan ou au Tchad, derrière les mouvements rebelles, on devine la main de Pékin.
Un livre à lire : Mais qui va gagner la guerre ?
FL : Ou bien je dirais qui va la perdre ?
Je ne suis pas persuadé que la hausse du prix des hydrocarbures soit bénéfique pour les pays africains. La rente pétrolière n’est guère partagée, la course au pétrole entraîne une corruption endémique et ravive les contentieux frontaliers.
Sur un plan purement stratégique, la marginalisation de l’Europe est à déplorer. L’Union européenne se repose pour son approvisionnement en hydrocarbures sur la Norvège et surtout la Russie. Ce qui n’est pas une situation saine.
Un livre à lire
FL : La compétition pétrolière en Afrique entre les pays asiatique et les Etats-Unis frappe par ricochet l’Union européenne. Les exigences des pays africains enflent (montant des redevances pétrolières, obligation de construire des infrastructures, appui politique…). Pour ne pas compromettre sa sécurité énergétique, l’Union européenne doit entreprendre une action diplomatique et économique afin de maintenir son influence en Afrique et ne pas se laisser progressivement marginaliser. Bien heureusement, les Européens ne peuvent pas comme Pékin envoyer des ouvriers au salaire de misère, travailler sur les chantiers en Afrique, pour s’attirer la faveur des pays producteurs de pétrole. Mais malheureusement contrairement aux Etats-Unis, par manque de volonté et de coordination, l’Europe ne parvient pas toujours à recueillir les dividendes politiques et pétroliers de son aide économique.
Un livre à lire : Vous terminez votre livre en affirmant que « les Etats-Unis contre la Chine semblent livrer leur dernier combat ». Ce n’est pas un peu pessimiste ?
FL : Je crois que la « roue tourne ». Il y’a encore beaucoup de méconnaissance ou de préjugés concernant l’Asie. Pour la plupart de nos concitoyens, l’Inde se résume aux lépreux et aux Fakirs. Le décollage de ces deux géants est une chance immense, il ouvre des perspectives pour nos entreprises et pour une jeunesse courageuse. C’est aussi, c’est vrai un immense défi, plein d’inquiétudes.
François Lafargue est docteur en Géopolitique, auteur d’une thèse portant sur l’Afrique du Sud. Il est également docteur en Science politique avec comme thème de recherche la stratégie des Etats-Unis devant la vulnérabilité énergétique de la Chine. Ses travaux portent principalement sur les enjeux énergétiques en Asie et en Afrique et les relations sino-africaines. Il publie régulièrement des articles dans la presse nationale (Les Echos, Libération, La Tribune…) et dans des revues académiques (Défense nationale, Afrique contemporaine, China Perspectives...). Il est professeur de géopolitique à l’Ecole supérieure de Gestion. Il anime également le séminaire « Géopolitique » à l’Ecole Centrale de Paris.